C’est dans les vieux pots que l’on fait les plus jolies voilettes…
Chapeau voilette : d’abord pratique puis
accessoire chic
Diminutif de voile, la voilette est ce qui nous reste de l’usage antique des femmes, soit de
se dissimuler le visage, par pudeur, soit de se le préserver des poussières, selon les habitudes de leur pays.
Les femmes grecques, lorsqu’elles sortaient, se voilaient le visage d’un coin de leur péplum. Les plus anciens auteurs grecs parlant de voile, puisque Pénélope apparaît voilée à ses prétendants.
Chez les Spartiates, les jeunes filles paraissaient en public découvertes ; les femmes mariées seules se voilaient.
A Rome, au contraire, le voile était la coiffure réservée aux fiancées, et les vierges chrétiennes l’adoptèrent en signe de leur engagement moral vis-à-vis de Dieu.
Cet usage passa ensuite dans la Gaule, où les Barbares le trouvèrent et après quelque hésitation, l’adoptèrent.
Les Mérovingiennes portèrent donc le voile long et étroit, en lin il était orné d’une broderie de couleur et de franges aux deux extrémités.
Drapé avec élégance, il se compléta plus tard par la guimpe, pièce d’étoffe fine qui passait sous le menton et enveloppait les épaules.
Cette mode de voile persista jusque vers le XIVème siècle, avec des modifications plus ou moins importantes, puisqu’on le trouve encore aux hennins d’Isabeau de Bavière.
Mais il s’affine et devient de plus en plus léger et court. Ne voyons-nous pas quelques coiffures du xvème siècle composées d’une simple calotte de velours. autour de laquelle s’attache une voilette toute semblable aux nôtres et qui couvre le visage.
Cette mode de voilette dut être de courte durée, car on n’en trouve plus d’exemples jusqu’au moment où l’on se mit à fabriquer le tulle à la machine.
Le tulle-bobin une fois trouvé — ce n’était encore qu’un réseau uni — on parvint à brocher sur la maille ces petites mouches qu’on nomme point d’esprit ensuite, en appliquant le système Jacquard aux métiers à tulle, on en vint à produire ces tissus brochés, dentelles à la mécanique, avec lesquelles on a fait tant de voilettes.
Ce fut peut-être cette facilité de production de fine dentelle qui donna à cette époque — au début du xixe siècle — une grande vogue à la voilette.
On en fit de légères à mailles larges, mais aussi de plus épaisses avec de gros pois, et la bordure brodée.
D’abord, les femmes mariées seules en portaient ; puis la toilette des jeunes filles se rapprochant de plus en plus de celle des dames, elles en portèrent aussi. Vers 1880, la voilette couvrait tout le visage jusqu’au menton et s’attachait au chapeau par un
noeud derrière et des épingles de côté, et on la porta ainsi pendant une trentaine d’années.
Cette voilette rendant au visage féminin un peu du mystère que lui avait prêté le voile autrefois, inspira la littérature romanesque et poétique. Les jeunes poètes de l’époque parlent : « Du premier baiser à travers la voilette ».
Et l’on voit dans les romans l’amoureuse attendre fiévreusement que celle qu’il n’a jamais rencontrée que dans la rue et qui a accepté le premier rendez-vous qu’il lui a donné
«ôte enfin la voilette ».
Des grands voiles de l’antiquité, il nous reste le voile de deuil que dans certaines provinces, les veuves portent encore, quelquefois plusieurs années, leur dissimulant
complètement le visage. Du voile des fiancées, il reste le voile de la mariée, qui se porte encore souvent sur le visage, transparent et bordé de fines, parfois précieuses dentelles.
C’est peut-être aussi de là que vient le voile léger des petites premières communiantes.
Maintenant, la voilette flottant autour du visage est le complément des petits chapeaux.
A la campagne, à la mer. où pendant longtemps on les portait plus fréquemment encore qu’à la ville, on ne les voit plus. Et, même, en ville, dans la journée, les toilettes de sport et le canotier, ou le petit feutre masculin ne s’accommodent pas du complément de la voilette. Cependant, on en fait en ce moment de très fines, très belles, par la bordure surtout que l’on brode en blanc, en noir et même en couleur.
Car la voilette a trouvé cet hiver (1935) un nouvel emploi, auquel on ne s’attendait pas : celui d’accessoire aux toilettes du soir.
Entendons-nous il s’agit des réceptions qui deviennent si fréquentes et qui concordent si bien avec la vie moderne : dès six heures à minuit, où l’on voit des robes de soirée alterner avec des costumes très élégants d’après-midi. Et les auréoles de paradis,
les diadèmes de ruban voisiner avec les toques de pages et les calottes de velours. Autour de ces calottes minuscules et pour les rendre plus seyantes au visage,
reparaît la voilette qui, à la lumière, ombrage à peine, juste assez pour leur donner plus de caractère et de charme, le front et le regard.