C’est dans les vieux pot que l’on a les meilleures manières !
L’art de recevoir à la française : Les
conseils exclusifs venus tout droit d’un
autre temps…
Il faut savoir ordonnancer un menu. Laissons aux sots et aux vaniteux ces dîner, interminables où défilent des plats sans nombre pour la grande consternation de nos estomacs. Pour qu’un repas soit bon, il faut qu’il y ait peu de convives. Le bon Dieu lui-même en a ordonné ainsi en ne donnant que quatre membres à un poulet. Les meilleurs repas se font pour quatre personnes, six à la rigueur. Au delà c’est déjà trop. Les plaisirs de la table sont des plaisirs intimes. Ils n’aiment pas le tapage ni la foule. Quelle grossière erreur aujourd’hui! Comment croire à l’intelligence humaine quand on voit ces restaurants où l’on danse entre deux plats et aux sons d’un orchestre bon à nous donner la colique? C’est un scandale.
Un bon repas demande du recueillement et un échange de paroles spirituelles et gaies. Alors, deux ou trois couples amis, quelques fleurs sur la nappe, l’éclair des cristaux, l’intimité d’une lumière douce dans une pièce tiède et bien close, il n’en faut pas plus pour faire paraitre la vie belle. Pour combiner un menu, il faut tenir compte de la saison et aussi du lieu. De même qu’il serait inconvenant d’offrir à ses invités l’omelette au lard et la bouillabaisse dans un salon décoré par Poiret, de même il serait ridicule d’offrir du caviar et du foie gras dans une claire salle à manger en ‘pitchpin dont les fenêtres ouvrent sur les gais frissons d’une Méditerranée bleue dorée de soleil. Il y a tout un art qui est assez difficile à enseigner. C’est surtout affaire de goût, de jugement et d’instinct. On doit d’ailleurs beaucoup se guider sur les produits locaux. A ce propos, il est bon de réagir contre cette mode vaniteuse qui pousse à offrir des primeurs coûteuses hors de saison. Fruits ou légumes sont fades, insipides, lorsqu’ils sont le produit de l’industrie. Attendez l’époque normale de leur maturité. Que cherchez-vous en invitant des amis à dîner? Voulez-vous les éblouir par votre richesse, leur montrer que vous avez les moyens de payer cher des choses coûteuses? Non, n’est-ce pas? Ce serait, d’ailleurs, de fort mauvais genre. Vous voulez, c’est évident, leur témoigner du plaisir que vous avez à les réunir à votre table en cherchant à les régaler. Établissez donc votre menu parmi les éléments à votre portée. Ayez peu de plats, mais qu’ils soient parfaits, quelques fruits mais qu’ils soient sans défauts, un vin ou deux mais de toute première qualité. Quoi qu’il en soit, on doit cependant s’incliner devant certains usages. Il est des circonstances dans la vie où il faut donner un grand repas, réunir beaucoup de convives. Garnissez- votre table d’argenterie et de belle vaisselle sur une nappe brodée. Les surtouts de fleurs qui masquent la vue et les pièces montées ne sont plus, de mode. Aujourd’hui, on préfère, avec raison, parsemer la nappe de fleurs harmonieusement rangées.
Comment place-t-on des convives?
Pour placer les convives, il y a deux méthodes :
I° La méthode française classique, qui place au milieu de la table, face à face, le maître et la maitresse de maison. L’usage veut que le cavalier s’occupe de verser à boire à sa compagne, tout au moins en ce qui concerne l’eau et le vin ordinaire. C’est pourquoi on doit toujours placer le cavalier à la droite de la dame. La maîtresse de maison placera donc à sa droite le convive masculin auquel les honneurs reviennent de droit de par l’âge ou la situation sociale, et le maître de maison placera à sa gauche la dame la plus considérable de la réunion. On placera les convives par couples, en partant de ce premier principe, et par ordre d’importance. Donc, la maîtresse de maison aura à sa gauche un deuxième cavalier qui sera chargé de s’occuper de la dame placée ensuite. On doit placer les convives en intercalant messieurs et dames, mais il ne faudra jamais laisser ensemble le mari et la femme. Il faut les mettre à des extrémités opposées.
2° La méthode américaine, plus pratique, part des mêmes principes avec cette seule différence que le maître de la maison et la maitresse de maison se placent chacun à un bout de la table. Cette position a l’avantage de permettre aux hôtes de voir d’un coup d’oeil si leurs invités sont bien servis et ne manquent de rien. Si l’on désire se conformer aux vieilles traditions françaises, ce qui est toujours très chic, il convient que les rôtis soient découpés à table devant tous les convives, par le maître de maison lui-même.
Tout homme bien élevé doit savoir découper. On doit présenter une belle pièce de poisson aux invités, puis remmener à l’office pour la découper. La salade doit être également assaisonnée à table par le maître de maison, mais le maître d’hôtel ira la retourner sur la desserte. Pour servir à table, il faut des domestiques propres, silencieux, veillant à ce que les convives, ne manquent de rien, sous la surveillance des maîtres de maison et du maître d’hôtel. Pour dresser son couvert, on ne doit pas oublier que la cuillère se met à droite de l’assiette avec les couteaux. Les fourchettes se mettent à gauche. Devant l’assiette, on range les verres, un pour chaque sorte de vin qui sera servi.
Dans les bonnes maisons, on dispose des petites salières avec sel et poivre entre chaque couple de convives.
Pour les grands dîners, il faut observer l’ordre suivant :
A déjeuner : des hors-d’œuvre, à dîner : du potage.
Ensuite, des entrées de poissons, puis des entrées de viandes blanches.
Après quoi, on servira la pièce rôtie accompagnée de légumes.
A ce plat succédera la salade avec le foie gras. Selon les idées, on servira le fromage avant ou après les entremets sucrés. Les vrais gourmets vous diront, comme moi, que le fromage représente la transition indispensable entre les friandises sucrées et les plats salés. Chez moi, on sert le fromage avant l’entremets. A l’entremets sucré succéderont les fruits et les gâteaux, petits fours et bonbons. On terminera par un bon café servi à table, ou, ce qui est bien préférable, servi avec les liqueurs au fumoir et au salon.
Quels vins choisir ?
Au premier service on vernira du porto blanc ou du madère. Les entrées exigent du bordeaux blanc, ou un bourgogne blanc, ou un Anjou, ou même un saumur mousseux. Les rôtis réclament impérieusement le bordeaux rouge, mais si l’on sert du gibier, il n’y a pas à hésiter, tout autre vin qu’un bourgogne rouge serait un contre-sens. Le foie gras n’aime que le bordeaux rouge. Pour le fromage, bordeaux ou bourgogne rouge. Pour les desserts, on préférera le Sauternes ou le Pouilly. Le champagne se réserve pour conclure.
Si l’on veut s’épargner tous les soucis de choisir les vins, Ou peut, suivant la mode américaine, servir tout un repas au champagne. C’est dommage au point de vue gourmandise, mais c’est bien commode et du reste admis, mais à condition (chose essentielle) de servir le champagne dans des brocs en cristal et bien frappé. On peut recommander, pour un déjeuner, le champagne sec frappé ; mis en broc de cristal et aromatisé par des fraises, des pêches coupées, une ou deux feuilles d’oranger, des cerises mises dans le vin.
Bien entendu, ces fruits ne doivent pas être versés dans les verres. Un repas au champagne supprime les nombreux verres. On mettra simplement devant chaque assiette deux gobelets. Un pour le champagne, l’autre pour l’eau. Si vous servez des choses coûteuses, n’en faites pas ostentation. Au contraire ; il convient de paraître n’y prêter aucune importance. Que cette fantaisie paraisse seulement le désir d’offrir une gourmandise et, alors, les invités bien élevés vous sauront gré de votre largesse, car ils auront parfaitement remarqué votre attitude.
Pour faciliter le service, il faut marquer sur un petit bristol le nom de chaque convive et placer la carte à plat sur un verre à la place désignée. La répartition des places doit être arrêtée à l’avance et après réflexion.